Les sociétés dédiées exploitantes de services publics au révélateur d’une situation inconnue

Par Thierry LEDUNOIS, Amandine NGO-DOAN-TA et Xavier MERMET-GRANDFILLE.

La société dédiée, vecteur classique de la réalisation des projets en concession ou PPP

La doctrine financière en matière de contrats de concession et de PPP préconise quasi systématiquement la constitution de sociétés de projet. Ces sociétés prennent la forme d’un véhicule juridique propre (société ad hoc) porteur du projet et lié contractuellement à la collectivité.

La relation contractuelle entre la société projet et ses différentes parties prenantes est marquée par une exploitation aux risques et périls de la société projet :

  • Avec les seules ressources apportées par les actionnaires de la société, les partenaires bancaires, d’éventuelles subventions d’équilibre et les recettes issues du service ;
  • Avec le principe d’une solidarité des actionnaires en cas de défaillance de la structure porteuse. Cette solidarité nécessite cependant un certain délai de mise en œuvre et sa portée peut être limitée contractuellement.

 

Pour réaliser le financement du projet dont ils ont la charge, les actionnaires de la société injectent des fonds propres dans des proportions permettant un effet de levier sur la dette maximum compte tenu des risques du projet. La structure financière de ces sociétés repose donc sur une capitalisation relativement faible, et souvent une gestion de trésorerie en flux tendus, calibrée pour faire face à des aléas d’exploitation mineurs et habituels.

 

Une faible capitalisation, potentiellement source de tensions en période de crise

Dans le cadre d’un évènement extérieur imprévisible – tel la pandémie de Covid-19 – induisant une activité profondément ralentie, les obligations de court terme (fiscales, sociales et bancaires) de ces sociétés projets peuvent rapidement amener des tensions de trésorerie. Si des comptes de réserves sont généralement constitués, et même imposés par les partenaires bancaires afin de limiter les défaillances immédiates, ils pourraient s’avérer insuffisants pour cette situation exceptionnelle. L’enjeu est alors de trouver la liquidité nécessaire à court terme, notamment via des avances de trésorerie-groupe.

Les mesures mises en place par le gouvernement permettent de soulager, au moins partiellement, ces tensions, notamment par le biais :

  • des délais de paiement pour les échéances fiscales et sociales (URSSAF) et les impôts directs
  • des mesures relatives à la suspension des redevances dues aux Collectivités
  • le cas échéant, du Prêt Garanti mis en place spécialement pour soutenir la trésorerie des entreprises de moins de 5000 employés (et CA inférieur à 1,5Md€) qui pourra être amorti sur une durée maximale de 5 ans.

 

En dernier recours, le gouvernement propose également une solution de médiation pour le rééchelonnement des crédits bancaires.

A long terme, ce sont les capitaux propres qui risquent d’être affectés en cas de pertes sur l’exercice 2020. Rappelons que le Code de commerce impose la reconstitution des fonds propres en raison des pertes constatées lorsque les capitaux propres (constitués des apports, des réserves, des reports et des résultats) d’une société deviennent inférieurs à la moitié de son capital social. Le besoin de recapitalisation s’analysera donc au travers non seulement du cycle d’exploitation de 2020, mais aussi des conditions de dégradation des fonds propres et des besoins réels de recapitalisation sur toute la durée d’exécution du projet.

 

Les collectivités, dans le cadre de leurs renégociations de contrats, devront inévitablement intégrer cette analyse, à savoir la mesure réelle du besoin de refinancement au-delà de la mesure des pertes d’exploitation de l’année.