Par Étienne FAVRE.
Les trois grandes agences de notation (Standard and Poor’s, Fitch et Moody’s) émettent une note pour 45 collectivités. Ces notes sont plafonnées au niveau de la note de la France tant la dépendance des collectivités à l’Etat est grande. Elles s’échelonnent ainsi entre A- et AA et reflètent la bonne qualité de crédit du secteur public local. FCL vous présente les enjeux relatifs aux mises à jour des notes des collectivités cette année.
Une hausse du niveau d’endettement qui devrait se traduire par une dégradation des notations
La crise sanitaire actuelle a suscité des mesures exceptionnelles des Etats pour contrer l’épidémie. En France, les différents instituts de prévisions économiques tablent sur une croissance du ratio d’endettement public (dette/ PIB) de 98,1% à 115 % (Dette des administrations publiques au sens de Maastricht – INSEE). Ce chiffre est amené à être revu à la hausse. Le besoin de financement de l’État pour 2020 s’élève ainsi, après la LFR 2, à 324,6 milliards d’euros, en hausse de 78,5 milliards d’euros par rapport à la LFR 1.
Outre le budget de l’État, la crise sanitaire a directement impacté les entreprises dans différents secteurs. Dans ses derniers points de conjoncture, l’INSEE estimait la baisse de l’activité économique française à -33 % en moyenne pendant le confinement, et -21% en sortie de confinement. Les entreprises enregistrent donc une perte de chiffre d’affaires, et un recours accru aux instruments de crédit.
La notation financière est le reflet de la capacité de l’emprunteur à assurer le remboursement de sa dette. Par conséquent, la hausse de l’encours de dette associée à la baisse des richesses (épargne, autofinancement) devrait se traduire par un mouvement important de baisse des notes.
Quel calendrier les agences vont-elles adopter ?
Conformément à la règlementation, les agences doivent annoncer en début d’année leur calendrier de revue des notes. Celles-ci sont revues deux fois par an pour les États souverains et les collectivités locales. Toutefois, les agences peuvent déroger à cette règle en cas de nouvelles informations importantes ayant une influence sur la qualité de la note. Par conséquent, certaines agences vont maintenir le calendrier initial sur certains crédits alors que sur d’autres, elles peuvent anticiper la mise à jour des notes pour tenir compte de l’évolution de la situation.
La détermination du bon timing est importante afin de ne pas « arriver trop tard », mais en cette période mouvante, les agences doivent aussi laisser aux emprunteurs la capacité d’ajuster leur stratégie et pas uniquement sanctionner la réduction des ressources. En effet, la capacité d’ajustement est une composante importante de la note attribuée.
Le directeur l’ESMA (Autorité européenne de supervision des marchés financiers), Steven Maijoor, a alerté les agences de notation sur la nécessité de calibrer soigneusement le calendrier des décisions sur les notations. Son objectif est d’éviter une fragilisation des emprunteurs par des décisions trop hâtives. Les agences restent toutefois seules maîtres de leur calendrier.
Les différentes composantes de la note d’une collectivité
Afin de mieux appréhender ce changement de perspective, il est essentiel de comprendre comment opèrent les agences de notations pour octroyer une note.
La méthodologie de notation peut différer d’une agence à l’autre. De manière générale, les agences utilisent un premier critère relatif au profil de risque des collectivités françaises (cadre institutionnel, strate). Cette composante de la note est donc très proche d’une collectivité à l’autre et très bien notée par les agences.
Ensuite, elles étudient les performances budgétaires individuelles avec des éléments quantitatifs (capacité de désendettement, taux de couverture du service de la dette, risque hors bilan, liquidité). Enfin, la note obtenue doit passer le filtre de la note plafond de l’Etat. Ainsi, si une collectivité ressort intrinsèquement mieux notée que l’Etat, sa note sera ajustée au niveau de celle de l’Etat.
La note de l’État souverain, un enjeu majeur
Le 28 avril, l’agence Fitch a abaissé la note de l’Italie de BBB à BBB-. La baisse de la note de l’Etat central s’est traduite dans les jours suivants par d’autres dégradations :les Régions (Sicile, Sardaigne, Trente), les structure de transport (société de transport public de la Région de Milan, SNCF Réseau Italien), ainsi que les banques italiennes.
En ce qui concerne l’Etat Français, le 3 avril, quelques jours après le début du confinement, l’agence Standard and Poor’s a annoncé le maintien de la note AA et de la perspective stable malgré la dégradation des comptes publics. La prochaine revue sera désormais le 2 octobre. Du côté de Moody’s, la prochaine revue est prévue le 21 août. La mise à jour de la note par Fitch le 15 mai était donc très attendue. L’agence a décidé de maintenir la note AA, en révisant toutefois la perspective de « stable » à « négative ». Cette décision vise à tenir compte de la dégradation des comptes publics sous le double effet du ralentissement économique et de l’augmentation des dépenses en soutien à l’activité.
Une perspective négative traduit une probabilité de 33 % de baisse de la note dans les 2 ans.
Les différentes stratégies des agences sur la mise à jour des notes des collectivités
Même si les performances financières récentes des collectivités françaises ne montrent pas nécessairement de signes d’affaiblissement, des impacts importants sont à attendre sur les recettes et les dépenses, et donc sur l’épargne des collectivités dans les prochains mois. Les effets attendus du plan d’urgence présenté par le gouvernement le 29 mai seront également à prendre en compte.
Dès le début de la crise (25 mars), l’agence Fitch a réalisé une revue globale des crédits et a abaissé les perspectives des crédits les plus tangents (soit 8 collectivités). Cela a permis à la fois de revoir la notation de l’ensemble des collectivités à une date identique et ainsi éviter le biais relatif à l’évolution quotidienne de la situation économique nationale. Par ailleurs, cette communication permet de ne pas pointer la situation d’une collectivité spécifique, mais bien l’impact du Covid-19 sur l’ensemble du secteur. Suite à la baisse de la perspective de la note de l’Etat, l’agence a maintenu la note de la Région Occitanie (AA) mais a abaissé sa perspective de « stable » à « négative ».
Au-delà de la dégradation éventuelle de la note, l’élément le plus important est finalement le spread de crédit exigé par les investisseurs qui reflète le prix du risque. Une dégradation de la note traduit une augmentation du risque, ce qui devrait entrainer une hausse du spread. Toutefois, le spread dépend avant tout de l’offre et de la demande. Il peut éventuellement rester stable malgré une dégradation des perspectives si l’appétit des investisseurs est important.