Les opérations financières et comptables de création d’une régie // Partie 2/2

Par Adrien ROHMER

 

Partie 2 : Le financement du démarrage de l’activité de la régie

La dotation initiale : une définition dénuée de sens

Il existe régulièrement une confusion entre la dotation initiale de la régie et le portage de ses charges de préfiguration et de démarrage.

  • La dotation initiale est une opération retraçant les écritures de transfert d’actifs et du passif associé, qui ne peut s’effectuer qu’à la date de prise d’effet de l’établissement public.

Par conséquent :

  • La dotation initiale ne peut servir à supporter les charges de préfiguration et de démarrage de la régie ;
  • Il existe un vide juridique et une absence d’outils en comptabilité publique pour assurer le financement du démarrage de l’exploitation tels que le sont le capital social et les avances en comptes courants d’associés pour une société anonyme.

Dans cette situation, plusieurs pistes doivent être étudiées :

  • L’avance remboursable

La collectivité peut envisager de réaliser un versement en espèces auprès de la régie pour financer le démarrage de son activité. Ce versement est prévu par l’article R2221-79 du CGCT :

« La délibération qui institue la régie détermine les conditions du remboursement des sommes mises à sa disposition. La durée du remboursement ne peut excéder trente ans. »

L’obligation de rembourser ces sommes pour la régie est liée aux obligations d’équilibre financier des services publics industriels et financiers en application de l’article L. 2224-1 du CGCT[1].

Il existe un débat pour savoir si ces sommes font partie de la dotation initiale ou s’il s’agit d’un outil de financement des charges de démarrage de la régie.

Si la dotation initiale doit représenter la traduction comptable de la mise à disposition des biens, il n’est pas logique que le remboursement soit déconnecté du transfert physique des biens : en effet, le remboursement de la dotation en espèce ne s’accompagne pas de la restitution des biens par la régie. Les versements en espèces correspondent en réalité à un outil de financement du démarrage de la régie.

D’un point de vue comptable, les sommes mises à disposition de la régie prennent la forme d’une avance remboursable. Dans le budget de la régie, ces recettes sont inscrites en section d’investissement ce qui limite leur utilisation pour la régie aux seules dépenses d’investissement, alors que les besoins financiers du démarrage d’une régie sont souvent concentrés sur l’exploitation du service et son besoin en fonds de roulement en raison de l’effet conjugué :

  • De l’impact des charges exceptionnelles liées à la mise en place de la régie ;
  • Du décalage de la perception des recettes liées à la mise en place de la facturation aux usagers, par rapport aux charges immédiatement exigibles.
  • La subvention d’exploitation

Le recours à cet outil est à manier avec précaution car il est soumis à un encadrement fixé à l’article L.2224-2 du CGCT :

Il est interdit aux communes de prendre en charge dans leur budget propre des dépenses au titre des services publics visés à l’article L. 2224-1.

Toutefois, le conseil municipal peut décider une telle prise en charge lorsque celle-ci est justifiée par l’une des raisons suivantes :

  • Lorsque les exigences du service public conduisent la collectivité à imposer des contraintes particulières de fonctionnement ;
  • Lorsque le fonctionnement du service public exige la réalisation d’investissements qui, en raison de leur importance et eu égard au nombre d’usagers, ne peuvent être financés sans augmentation excessive des tarifs ;
  • Lorsque, après la période de réglementation des prix, la suppression de toute prise en charge par le budget de la commune aurait pour conséquence une hausse excessive des tarifs.

La décision du conseil municipal fait l’objet, à peine de nullité, d’une délibération motivée. Cette délibération fixe les règles de calcul et les modalités de versement des dépenses du service prises en charge par la commune, ainsi que le ou les exercices auxquels elles se rapportent. En aucun cas, cette prise en charge ne peut se traduire par la compensation pure et simple d’un déficit de fonctionnement.

La subvention d’exploitation sera inscrite en compte 74 dans le budget de la régie. En fonction de son calendrier, elle peut constituer un outil de trésorerie simple et efficace pour la régie : un versement en début de période (annuelle, semestrielle, trimestrielle) permettra à la régie de disposer d’une trésorerie suffisante.

  • L’avance de trésorerie

Il est également possible de mettre en place une avance de trésorerie entre le budget principal et le budget de la régie. Cette solution est un pur outil de trésorerie, car les sommes versées à la régie doivent être remboursée au budget principal avant la fin de l’exercice comptable.

Conclusion :

Il manque à la comptabilité publique un outil aussi adapté que le capital social pour une société anonyme, alors que les besoins sont d’une même nature pour des collectivités dont les réflexes de gestionnaires sont de plus en plus proches de ceux des entreprises.

La conséquence pour les collectivités est la nécessité d’anticiper très en amont l’évaluation de leurs besoins financiers et la préparation du premier budget afin d’être en capacité de d’organiser l’utilisation des différents outils dans le respect des règles comptables.

La comptabilité publique des services publics, inchangée depuis des dizaines d’années, mériterait une mise à niveau de ses outils, alors que les montages hybrides ont su évoluer (SEMOP, SPL) de leur côté.

 

[1] Article L.2224-1 : « Les budgets des services publics à caractère industriel ou commercial exploités en régie, affermés ou concédés par les communes, doivent être équilibrés en recettes et en dépenses. »