Les opérations financières et comptables de création d’une régie // Partie 1/2

Par Adrien ROHMER

La mise en place d’une régie, qu’elle soit dotée d’un budget annexe ou d’un budget propre, nécessite une préparation en amont via la réalisation d’un business-plan pour définir les équilibres financiers pour la collectivité de rattachement, et donc le plan de financement des investissements de cette régie. Cette notion de plan de financement est absente de la réglementation qui se focalise sur la notion des opérations comptables liées à la création même de la régie et notamment la fixation du « montant initial de la régie ». Il est essentiel pour les collectivités de bien maîtriser le sens des différentes opérations financières et comptables à réaliser afin de garantir à la régie une mise en place robuste en termes de moyens financiers.

 

Partie 1 : La dotation initiale et les transferts de biens à la régie

La dotation initiale : une définition dénuée de sens

La délibération de création d’une régie doit fixer « le montant de la dotation initiale de la régie » (article R.2221-1 du CGCT). La définition de la dotation initiale de la régie est précisée à l’article R.2221-13 du CGCT :

« La dotation initiale de la régie, […], représente la contrepartie des créances ainsi que des apports en nature ou en espèces effectués par la collectivité locale de rattachement, déduction faite des dettes ayant grevé leur acquisition, lesquelles sont mises à la charge de la régie. »

 

Cette définition n’est absolument pas explicite sur le contenu de la dotation initiale et n’a même pas de sens quand on analyse ses différents termes. La conséquence concrète de cette définition inadaptée est que les opérations comptables liées à la mise en place d’une régie ne font pas référence à cette définition du CGCT.

La dotation initiale doit s’entendre comme le « transfert », au sens générique du terme, des biens du service public qui va être géré en régie, entre la collectivité et sa régie, qu’elle soit à personnalité morale ou à simple autonomie financière.

Elle comprend donc l’ensemble des biens affectés au service public exploité par la régie, y compris les droits et obligations attachés à ces biens et que la collectivité a antérieurement contractés (notamment l’encours de dette correspondant aux ouvrages du service).

De la même manière que pour un transfert de compétence, ce transfert des biens est gratuit.

 

Les mécanismes comptables de « transfert » des biens à la régie

D’un point de vue de technique comptable, le « transfert » des biens à la régie peut prendre la forme de 3 mécanismes :

  1. La dotation
  2. L’affectation
  3. La mise à disposition

 

  • La dotation

Les biens sont transférés en pleine propriété à la régie personnalisée. Ils sont intégrés à l’actif de la régie à leur valeur brute, les amortissements constitués sont également repris ainsi que les éléments du passif. En contrepartie les éléments correspondants dans le budget annexe du service sont soldés. Les éventuels désaffectations ou déclassements sont réalisés au profit de la régie. La propriété ne peut être remise en dotation à la régie que pour les biens acquis en pleine propriété par la collectivité, ou construits par lui. Lorsque des ouvrages d’un service transféré à une régie continuent d’appartenir à une commune qui a transféré la compétence correspondante à un EPCI ou syndicat mixte, ces ouvrages peuvent seulement être affectés à la régie de l’EPCI ou du syndicat mixte ou mis à sa disposition.

La dotation implique un transfert de propriété entre deux personnes morales, la collectivité et la régie qui doit nécessairement être à personnalité morale. La dotation n’est pas une modalité de transfert des biens entre une collectivité et sa régie à simple autonomie financière car dans ce cas il n’y a qu’une seule personnalité morale, la régie n’étant qu’un « démembrement » de sa collectivité de rattachement.

 

  • L’affectation

L’affectation des biens (sans transfert de propriété) : les biens restent propriété de la collectivité de rattachement mais leur jouissance est transférée à la régie (avec les droits et obligations qui s’y rattachent et notamment la maîtrise d’ouvrage des travaux de gros entretien et de renouvellement). Il ne s’agit alors pas d’une dotation. Les biens correspondants sont repris ainsi que les subventions et les emprunts correspondants. Les biens restent également immobilisés dans les comptes de la collectivité de rattachement au compte 243 mais ne donnent plus lieu à amortissement. À la différence du transfert des biens en pleine propriété, les biens devenus inutiles pour le service (et donc désaffectés / déclassés) font retour à la collectivité de rattachement. Une opération d’ordre budgétaire est cependant constatée dans les comptes de la régie.

 

  • La mise à disposition des biens

La mise à disposition des biens[1] : la collectivité demeure alors propriétaire des biens correspondants et maître d’ouvrage des travaux de grosses réparations et de renouvellement (dans ce cas, il est recommandé de définir les responsabilités respectives de la collectivité de rattachement et de sa régie dans les statuts de cette dernière, sinon ce sont les règles générales des articles 605 & 606 du code civil, délimitant les responsabilités des propriétaires et des locataires, qui s’appliquent). Les biens mis à disposition d’une régie restent immobilisés dans les comptes de la collectivité et font l’objet d’un amortissement. En contrepartie de cette « mise à disposition », la régie doit alors verser à la collectivité de rattachement une redevance ou un loyer permettant à cette collectivité d’équilibrer les comptes du service public où sont également enregistrés les amortissements des ouvrages mis à disposition, ainsi que les dépenses de travaux de grosses réparations et de renouvellement.

 

 

 

En conclusion :

  • D’un point de vue comptable, les conséquences d’une dotation ou d’une affectation sont les mêmes : transfert des biens et des emprunts, obligation d’amortir avec équilibre financier de la régie à assurer. Le choix de la dotation est celui d’une plus forte indépendance de la régie, qui aura toute liberté par rapport au devenir des biens (désaffectation par exemple).

 

  • La solution de la mise à disposition doit être privilégiée quand le modèle économique de la régie est plus incertain par rapport à la couverture des amortissements. La détermination du montant de la redevance de mise à disposition est plus souple (pas de méthode de calcul obligatoire liée à l’amortissement des biens).

 

  • La dotation initiale doit être fixée lors de la délibération de création de la régie, ce qui est très souvent trop tôt dans le processus de mise en place de la régie, à une période où les moyens transférés à la régie ne sont pas nécessairement bien connus. Il en résulte souvent des dotations fixées à des montants inexacts par rapport aux biens qui lui sont confiés. Le CGCT ne prévoit pas de possibilité de modifier cette dotation.

 

  • In fine, il ressort que ces opérations de transfert sont de nature comptable et patrimoniale et qu’elles n’apportent pas de sources de financement pour le démarrage de l’activité de la régie.

 

  • Les collectivités doivent donc parallèlement travailler sur le financement du démarrage des opérations de la régie.

 

[1] Article R2221-81 : « Lorsque le fonctionnement du service nécessite l’affectation d’immeubles appartenant à la commune, le loyer de ces immeubles, fixé par le conseil municipal suivant leur valeur locative réelle, est porté en dépense au budget de la régie et en recette au budget de la commune. »

 

Retrouvez la seconde partie de cette fiche technique dès mardi 09/02