Comment le taux de l’usure incite les banques à proposer de nouveau des emprunts structurés ?

Par Etienne Favre, FCL Gérer la Cité

 

La hausse des taux actuelle génère des effets de second tour qui n’avaient pas été anticipés ni par les établissements bancaires ni par le régulateur. Ceci pourrait mener à une réduction importante de l’offre de financement bancaire destinée aux collectivités.

 

Le TEG fait encore parler de lui

Certaines collectivités se sont familiarisées avec les enjeux du TEG lorsqu’elles ont étudié les possibilités de recours sur leurs emprunts structurés. En synthèse, l’absence de TEG sur les fax de confirmation des prêts des banques a débouché sur la création du fonds de soutien aux emprunts structurés des collectivités ! Le fonds de soutien a été créé par l’état en contrepartie des préjudices de la loi de validation sur le TEG (article 1 de la loi du 29 juillet 2014).

Aujourd’hui, lorsqu’un établissement propose un crédit bancaire à une collectivité, il doit indiquer le taux effectif global du financement proposé. Ce taux d’intérêt défini juridiquement intègre non seulement le taux du financement mais également l’ensemble des éventuels coûts fixes associés.

 

Le seuil de l’usure

Le taux de l’usure correspond au TEG maximum que les établissements de crédit sont autorisés à pratiquer lorsqu’ils accordent un crédit. Le taux est fixé à la fin de chaque trimestre pour le trimestre suivant par la Banque de France.

Il existe plusieurs taux de l’usure en fonction des caractéristiques du prêt et de la nature de l’emprunteur (personnes physique, personnes morales…). Les collectivités entrent dans la catégorie « Prêts aux personnes morales n’ayant pas d’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou professionnelle non commerciale ». A l’intérieur de cette catégorie, la banque de France prévoit des seuils d’usure différents pour les prêts à taux fixe et à taux variable.

Pour calculer le taux de l’usure, la banque de France observe les taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit sur le trimestre précédent. Ce taux moyen est augmenté d’un tiers pour donner le taux de l’usure.

 

Pourquoi le taux de l’usure ne fait pas parler de lui au-delà des collectivités ?

Pour une collectivité, le taux de l’usure ressort pour le 2ème trimestre 2022 à :

  • 1,76% pour un prêt à taux fixe,
  • 1,53% pour un prêt à taux variable.

Pour les autres catégories d’emprunteurs, les seuils de l’usure sont plus élevés. Ainsi pour un crédit immobilier de 10 ans, le seuil est de 2,51%.

 

Quelles sont les conditions de financement actuelles ?

Dans le marché actuel, en considérant une marge bancaire moyenne de 60 pbs sur un crédit à 15 ans, le taux fixe de marché (hors frais et commissions) ressort à 1,80%. Le TEG du contrat est donc supérieur au seuil de l’usure. Sur une durée plus longue, l’écart avec le taux de l’usure est encore plus important.

Par conséquent, si la banque souhaite respecter la législation sur le taux de l’usure et intégrer une marge bancaire de 60 pbs, elle ne peut plus proposer d’emprunt à taux fixe à la collectivité.

 

Quelles sont les alternatives pour pouvoir emprunter ?

Tout d’abord, les collectivités peuvent emprunter à taux variable. Le niveau négatif des Euribor entraine un TEG proche 0,60% pour un emprunt à Euribor + 60 pbs. Ce taux est donc bien inférieur au seuil de l’usure de 1,53% pour les prêts à taux variable. Seuls les prêts indexés sur le Livret A sont alors concernés par le seuil de l’usure. En effet, le Livret A actuel à 1% ne permet pas à la banque des territoires de proposer une marge supérieure à 53 pbs, au risque d’être considéré comme usuraire !

Les grandes collectivités pourront se tourner vers le marché obligataire si elles veulent emprunter à taux fixe sans contrainte sur le taux de l’usure.

Une ingénierie financière plus complexe permettra de prendre un prêt à taux variable et de le « swapper » à taux fixe. Cette stratégie plus complexe nécessite une documentation juridique spécifique et peut entrainer des frais de cotations bancaires important en fonction des caractéristiques de l’emprunt.

Les collectivités pourront également étudier des stratégies bi-phase, variable puis fixe ou fixe puis variable permettant de basculer le TEG sous le seuil de l’usure.

 

Les banques ont trouvé la solution !

C’est dans ce contexte que nous observons le retour des propositions d’emprunts structurés auprès de quelques banques. Les produits proposés n’intègrent pas d’effet de levier, mais la vente d’options financières. C’est le paradoxe de la situation actuelle qui incite les banques à trouver des solutions pour maintenir une offre de crédit au secteur public local tout en respectant la règlementation de l’usure qui n’est pas adaptée à la situation de marché actuelle.