Avances remboursables pour les AOM : une réponse partielle aux difficultés budgétaires des services de transport

Par Caroline Second.

 

La loi de finances rectificative pour 2020 n°4 (LFR 4) a été promulguée lundi 30 novembre. Son article 10 prévoit la mise en place d’avances remboursables pour couvrir les pertes de recettes 2020 des autorités organisatrices de la mobilité (AOM). Durement touchées par la crise sanitaire, celles-ci ont en effet vu fondre cette année leurs deux principales ressources de fonctionnement : le versement mobilité et les recettes tarifaires. Bien que leur poids varie fortement d’un territoire à l’autre, elles représentent plus de 70% des recettes dans les réseaux de plus de 100 000 habitants, et encore davantage en Ile-de-France (CGDD, 2018).

 

Un complément à la compensation pour perte de versement mobilité prévue en LFR3

Les AOM bénéficient déjà de la « clause de sauvegarde » qui permet une compensation de la perte de recettes fiscales au niveau de la moyenne constatée sur 2017-2019. Ce mécanisme reste largement critiqué du fait de la différence de traitement qu’il opère entre les AOM ayant le statut d’EPCI à fiscalité propre et celles organisées sous forme de syndicat :

  • Pour les EPCI à fiscalité propre, le panier de recettes garanties intègre l’ensemble des recettes fiscales, y compris la fiscalité directe, dont le dynamisme vient généralement minorer le droit à compensation ;
  • Pour les syndicats et pour Ile-de-France Mobilités (IDFM), le versement mobilité est la seule recette fiscale perçue : ces structures bénéficient donc du maintien de la recette au niveau de la moyenne 2017-2019.

La LFR3 ne prévoyait aucun mécanisme de compensation pour les pertes de recettes tarifaires.

 

Les nouvelles dispositions de la LFR4

La LFR4 entérine le protocole d’accord conclu en septembre dernier entre IDFM et l’Etat et étend le principe de l’avance remboursable à l’ensemble des AOM.

Cette avance remboursable accordée par l’Etat se caractérise par son absence de rémunération et son échéancier de remboursement, ajustable selon l’évolution des capacités financières de l’AOM.

Pour IDFM, le volume (1,175 Md€) a été défini de façon à couvrir la perte nette de recettes tarifaires et de versement mobilité, une fois déduite la compensation perçue au titre de la LFR3. Ce volume est provisionnel et sera réajusté en 2021 en fonction des pertes réellement constatées. Les fonds devront être remboursés sur une durée maximale de 16 ans, avec un premier remboursement à partir de 2023.

S’agissant des AOM de droit commun, 750 M€ d’avances remboursables sont prévues pour 2020. Là aussi, ces avances sont destinées à couvrir à la fois les pertes de recettes tarifaires et les pertes de versement mobilité. Le fonctionnement exact du mécanisme sera défini par décret. Une convention devra également être conclue avec chaque AOM, qui définira les conditions d’octroi des avances ainsi que les modalités de remboursement. On peut supposer que ces conventions prendront elles aussi en compte les compensations déjà perçues dans le cadre de la LFR3.

Le Sénat a apporté quelques précisions pour les AOM de droit commun, qui ont été conservées dans le texte définitif :

  • Pour chaque AOM, le remboursement des avances n’intervient qu’à partir de l’année suivant laquelle les recettes de versement mobilité et les recettes tarifaires, prises ensemble, ont retrouvé le montant perçu en moyenne sur 2017-2019 (principe du « retour à meilleure fortune »). Les éventuelles baisses de tarifs ou mise en place de la gratuité ne sont pas prises en compte.
  • L’avance est remboursée au minimum sur 6 ans, sauf accord du bénéficiaire. La date limite de remboursement est fixée au 1er janvier 2031.

 

Ce mécanisme ne règle pas la question de l’équilibre économique des services de transport sur le long terme

Contrairement à une compensation comme celle de la LFR3, il ne s’agit ici que d’avances, c’est-à-dire de prêts sans intérêt, et non de financements pérennes.

En toute logique, ces avances devraient donc être inscrites en section d’investissement. Un basculement en fonctionnement via opération d’ordre pourrait être prévu, mais cela n’empêcherait pas la dégradation des ratios financiers, généralement assis sur l’épargne brute. Ce point sera donc à surveiller dans le décret à paraître.

Par son principe même, la mise en place d’avances suppose que leur remboursement pourra être assuré grâce à la croissance future des recettes. Or, rien n’est moins sûr au regard de l’évolution de la situation sanitaire, qui continue de peser sur la fréquentation et le taux d’emploi. Il est probable qu’un autre mécanisme de compensation doive être mis en place pour 2021, ce que ne prévoit pas, pour l’instant, le projet de loi de finances en cours de discussion au Parlement.

À plus long terme, le modèle économique du secteur, déjà fragile avant la crise, pourrait se trouver durablement affecté par les modifications de comportement des usagers : essor du télétravail et substitution d’autres modes de déplacement notamment. Avec des ressources plus limitées, c’est l’ensemble de la politique publique de la mobilité, en investissement et en fonctionnement, qui pourrait être à repenser dans les années à venir, en contradiction possible avec les ambitions notamment en termes de décarbonation.

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