Logement social : un modèle et des acteurs sous pression ? (Partie 2)

Hausse du taux du Livret A : tensions sur la dette des bailleurs sociaux

Les bailleurs sociaux font face à des défis supplémentaires en ce qui concerne le coût de leurs prêts. Les prêts accordés par la Banque des Territoires et les autres établissements de crédit aux bailleurs sociaux sont en très grande majorité indexés sur les taux du livret A ou du LEP et sont donc à taux variables. La sensibilité du budget des bailleurs est donc largement soumise à l’augmentation du Livret A.

Pour rappel, le taux de livret A est un produit d’épargne réglementé en France dont le taux est fixé par l’Etat, le taux appliqué au Livret A est de 3 % depuis le 1er février 2023. Inédit depuis 2009, ce taux reste toutefois inférieur à l’inflation et aux autres taux monétaires. Alors que l’application de la formule aboutirait à un taux de 4,1 % pour le Livret A, le gouvernement vient toutefois de déroger à la formule et maintient le taux actuel de 3% pour une durée de 18 mois soit jusqu’au mois de janvier 2025 ! C’est donc une bonne nouvelle pour les emprunteurs, qui apporte de la visibilité sur les charges financières des bailleurs sociaux.

Il n’en reste pas moins que même figé à 3%, ce taux reste élevé par rapport aux standards précédents, ce qui se traduit par une hausse des coûts de financement pour les bailleurs. Toutefois, cette augmentation n’est pas immédiate. Les emprunts contractés par les bailleurs sociaux auprès de la Banque des Territoires (la grande majorité de leurs prêts) sont soumis à une méthodologie d’amortissement spécifique qui vise à atténuer l’impact de la hausse du taux du Livret A sur les remboursements de dette des bailleurs sociaux. Cette approche permet à ces derniers de mieux absorber les augmentations des annuités de remboursement pendant les périodes de hausse du Livret A comme c’est le cas actuellement.

Cependant, cette méthode suscite une grande préoccupation quant aux conséquences à moyen / long terme sur les encours de dette puisque dans de nombreux cas, le mécanisme de « protection » à court terme se traduit par des risques à plus long terme : allongement de la durée de remboursement de la dette, hausse du capital restant dû, forte progression des échéances à venir.

Par conséquent, les bailleurs sociaux se retrouvent dans une position délicate. D’une part, ils sont confrontés à une augmentation du coût de leur dette. D’autre part, ils font face à une inflation élevée des coûts d’exploitation sans pouvoir compenser pleinement ces surcoûts par des augmentations de loyer.

Avec un encours de dette s’élevant à environ 150 milliards d’euros, la capacité des bailleurs sociaux à maintenir leurs plans d’affaires et à mener à bien des projets de construction et de rénovation est mise à l’épreuve. Les collectivités, largement garantes des encours de dette, pourront suivre d’autant plus les bailleurs sociaux et l’impact de la hausse du Livret A sur leur coût de financement.

Elisabeth Paul